Années 60

Débuts

Sophie naît à Paris entre pots d’échappement et bitume ce qui provoque des interrogations d’enfant pas piquées des vers :

« Je suis née fripée, ridée comme une vieille pomme. Comme elle, j’ai la peau acide au goût légèrement amer. Sur une photo prise à ma naissance, je fixe l’objectif avec un air de désapprobation qui ne m’a jamais quittée. Cette triste mine est l’empreinte de trois générations de faïenciers vaincues par le brouillard, le crachin et la pluie. Pour moi, tout a commencé à Ranquesie-la-Jolie, une ville du Nord, au ciel bas toujours voilé. Les montagnes de charbon fumant, la terre boueuse et détrempée par une bruine incessante ont meurtri chacun de nous. Ici, la vie est fanée, l’avenir terne, les cœurs soumis. Alors on rêve. On rêve d’un ailleurs… »

C’est ainsi que Laure me raconta son histoire. Au fur et à mesure de son récit, je devinais les joies, les peines, les frustrations profondes. Mais rien ne me laissait supposer que dernière une vie si ordinaire se cachait des meurtriers, des trafiquants et des maîtres-chanteurs. Laquelle de la grand-mère, de la mère ou de la fille est l’ange exterminateur décidé à changer l’ordre de la société en sa faveur ? Quand je le découvris, il était trop tard. À Ranquesie, la faïence a un goût bien amer. »

Incipit de Du gypse, du plomb et une légère odeur de fraise